Eau du robinet : le traitement ne suffit pas à lui seul pour réduire la teneur en plomb

Eau du robinet : le traitement ne suffit pas à lui seul pour réduire la teneur en plomb

L’ Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié, le 21 novembre 2017, les résultats d’une expertise relative au traitement des eaux destinées à la consommation humaine visant à limiter la dissolution du plomb. L’Agence conclut que le traitement par des orthophosphates constitue une mesure de protection collective possible mais non suffisante à elle seule. En outre, les données disponibles ne permettent pas d’évaluer avec précision les effets du traitement aux orthophosphates sur la qualité de l’eau distribuée. En conséquence, l’Agence recommande que toute nouvelle mise en œuvre du traitement de l’eau par des orthophosphates soit accompagnée d’études visant à mieux déterminer les différents impacts de ce traitement, en particulier sur la qualité microbiologique de l’eau distribuée et de l’environnement. Par ailleurs, l’Agence recommande d’améliorer la connaissance du réseau de distribution public et des réseaux privés à l’intérieur du bâti ancien, afin de mieux estimer l’exposition au plomb de la population par voie d’ingestion d’eau de consommation.

Rapport de l'Anses

La présence de plomb dans l’eau destinée à la consommation humaine a essentiellement pour origine les matériaux constitutifs du réseau de distribution en plomb ou contenant du plomb. Il s’agit principalement des branchements publics situés entre la canalisation principale et le compteur d’eau, et des canalisations intérieures, dans l’habitat ancien notamment. Chez l’être humain, les effets néfastes pour la santé sont corrélés à la concentration en plomb dans le sang (la plombémie) et les signes cliniques sont parfois peu spécifiques et inconstants. Le saturnisme, qui désigne l’intoxication aiguë ou chronique par le plomb, est plus fréquent et grave chez le jeune enfant. D’après l’étude de l’alimentation totale infantile publiée par l’Anses en septembre 2016, la contribution des eaux destinées à la consommation humaine à l’exposition moyenne au plomb atteint 14 % chez les enfants âgés de 13 à 36 mois.

Une limite de qualité de 10 µg/L a été fixée par la réglementation pour le paramètre « plomb dans l’eau destinée à la consommation humaine ». Afin de respecter cette limite de qualité et de limiter l’exposition de la population au plomb par voie orale, plusieurs solutions ont été envisagées, notamment :
  • Le remplacement des canalisations constituées de plomb
  • Des traitements modifiant la qualité des eaux destinées à la consommation humaine afin de réduire la dissolution du plomb dans le réseau de distribution.
S’agissant des traitements, l’ajout d’acide phosphorique ou d’orthophosphates peut être envisagé pour les eaux moyennement et fortement minéralisées, présentant un pH d’équilibre inférieur à 7,5, afin de former une couche protectrice sur les parois internes des canalisations. Ainsi, entre 2003 et 2013, dix usines de production d’eau destinée à la consommation humaine en Île-de-France ont mis en œuvre un traitement par des orthophosphates.

 

L’Anses a été saisie afin de déterminer l’intérêt de maintenir le traitement aux orthophosphates, au regard des conséquences qu’aurait l’arrêt du traitement en termes de qualité d’eau distribuée et de déstabilisation de l’écologie microbienne dans les réseaux. Il lui a été également demandé, en cas d’intérêt à maintenir ce traitement, des précisions sur les conditions d’encadrement qu’il y aurait lieu de prévoir.

Conclusions et recommandations de l’Agence

Diverses actions ont été conduites afin de réduire l’exposition au plomb par l’eau de consommation humaine (suppression de branchements publics en plomb, etc.). Cependant, les données disponibles ne permettent pas d’évaluer de manière précise et exhaustive le résultat de ces actions.

L’acquisition de données relatives à la présence de plomb dans l’eau distribuée au robinet constitue ainsi une priorité, considérant les nombreuses incertitudes quant à la part des logements dont l’eau distribuée au robinet présente une concentration en plomb supérieure à la limite de qualité. L’Agence recommande ainsi d’améliorer la connaissance du réseau de distribution public et des réseaux privés à l’intérieur du bâti ancien, afin de mieux estimer l’exposition au plomb de la population par voie d’ingestion d’eau de consommation humaine.   

S’agissant du traitement de l’eau aux orthophosphates, les experts considèrent qu’elle permet de manière générale de diminuer la concentration en plomb dans l’eau distribuée au robinet. L’ampleur de cette diminution varie cependant selon les sites du fait notamment des caractéristiques de l’eau distribuée, de la nature du réseau, etc. Ainsi, le traitement ne permet pas de respecter en permanence et à tous les points d’usage la limite réglementaire de qualité du plomb dans les eaux destinées à la consommation humaine.

Les données disponibles ne permettent pas d’évaluer avec précision les impacts du traitement de l’eau aux orthophosphates sur la qualité de l’eau distribuée, ni lors de sa mise en œuvre ni au moment de son arrêt. Aucun effet négatif n’a été signalé par les distributeurs d’eau auditionnés quant à la qualité physico-chimique ou microbiologique globale des eaux distribuées traitées aux orthophosphates. Les effets négatifs sur l’environnement semblent limités dans les zones concernées par le traitement. Enfin, les données disponibles ne sont pas suffisantes pour évaluer l’impact sanitaire spécifique du traitement aux orthophosphates en termes de réduction de la plombémie.

L’Agence recommande donc que toute nouvelle mise en œuvre d’un traitement aux orthophosphates soit accompagnée d’études visant à mieux déterminer les différents impacts du traitement, en particulier sur la qualité microbiologique de l’eau distribuée et sur l’environnement. Une étude de biosurveillance pourrait par exemple contribuer à évaluer l’impact sanitaire du traitement de l’eau destinée à la consommation humaine aux orthophosphates.

Enfin, l’Agence considère que la réduction des expositions de la population au plomb reste un objectif prioritaire de santé publique qui passe par une combinaison d’actions. Le traitement des eaux distribuées par des orthophosphates constitue une mesure de protection collective possible, mais non suffisante à elle seule. Outre ce traitement, différentes stratégies existent pour limiter l’exposition de la population au plomb par ingestion d’eau :

  • le traitement des eaux destinées à la consommation humaine au niveau de l’étape de production,  par neutralisation, reminéralisation ou décarbonatation, traitement adapté en fonction de la qualité initiale de l’eau ;
  • des interventions sur le réseau de distribution : poursuite du remplacement des branchements du domaine public, remplacement des canalisations intérieures (réseau privé)ou réhabilitation ;
  • un renforcement de l’information auprès des professionnels et des usagers, en particulier ceux vivant dans des logements anciens.

L’Agence rappelle enfin aux consommateurs les mesures simples à mettre en œuvre :

  • laisser couler l’eau avant de la prélever pour les usages de boisson ou la cuisson des aliments si l’eau a stagné longtemps dans le réseau. Cette eau peut en revanche être utilisée pour d’autres usages non alimentaires afin d’éviter le gaspillage ;
  • ne pas utiliser l’eau du circuit d’eau chaude pour la préparation de boissons chaudes et de denrées alimentaires, une température élevée favorisant la dissolution des métaux.

L’avis et le rapport peuvent être lus et téléchargés sur le site de l’ANSES, ici Lire

 

 
 

 » width= »20″ height= »20″>

Comments are closed