Le dernier numéro d’AFVS Infos, daté de juillet 2018, est paru. Ci-dessous, son éditorial :
Une étude parue en mars 2018 dans une revue scientifique américaine, fondée sur un suivi de plus de 14 000 personnes de 1988 à 2011 constituant un échantillon représentatif de la population adulte américaine, réévalue à la hausse les effets de l’exposition au plomb sur la santé. En effet, ce métal serait responsable d’une part plus que prévue de la mortalité aux États-Unis, les chercheurs avançant le chiffre de 412 000 morts chaque année.
Or, on peut se demander si les conclusions de cette étude méthodologiquement bien construite concernent également la France, puisque dans les deux pays la population a été confrontée à des sources d’exposition comparables, essentiellement par l’air contaminé par le plomb contenu dans l’essence des voitures.
Cette étude amène à réévaluer à la hausse les maladies dont le plomb est la cause dans le fardeau global de maladies à l’échelle mondiale, le véritable enjeu étant la généralisation des interdictions d’usage du plomb à travers la planète. Elle doit aussi amener à revoir les stratégies de prévention pour s’intéresser davantage aux personnes exposées à des faibles doses.
L’étude souligne également la légitimité de l’initiative prise en France par le Haut Conseil de santé publique, qui a fixé dès 2014 un objectif plus ambitieux pour limiter l’exposition au plomb et qui a mis à jour en novembre 2017 le guide de dépistage et de prise en charge des expositions au plomb à l’origine du saturnisme chez l’enfant mineur et la femme enceinte.
Par ailleurs, dans le cadre du programme Recherche Plomb-Habitat, une étude menée en France a mis en évidence le rôle des poussières contenant du plomb dans le logement et de l’eau du robinet sur les plombémies mesurées chez l’enfant.
Outre ces sources environnementales, on trouve l’exposition par les aliments liée à la présence naturelle du plomb dans les sols. Toutefois, l’exposition alimentaire est mineure comparée à l’exposition environnementale, et ce que ce soit en France ou aux États-Unis.
Dans l’étude américaine, les sujets âgés de 20 ans et plus ont été enrôlés de 1988 à 1994. Il s’agit donc des personnes qui ont 50 ans et plus aujourd’hui. Leurs plombémies étaient plus importantes que celles constatées dans les générations suivantes, parce que dans leur enfance elles ont respiré un air beaucoup plus concentré en plomb, l’essence au plomb ayant été interdite aux États-Unis en 1975. En France, la teneur autorisée en plomb dans l’essence a diminué à partir des années 1990, jusqu’à son interdiction en 2000. Pour autant, les plombémies observées chez les personnes nées après cette interdiction ne sont pas tombées à zéro, car il existe d’autres sources d’exposition.
Bien que les plombémies observées en France soient proches de celles pratiquées aux États-Unis, force est de constater que chaque pays a ses propres facteurs de risque en ce qui concerne les maladies cardio-vasculaires, en dehors de celui de l’exposition au plomb. S’il est difficile d’avancer un chiffre précis, les ordres de grandeur restent les mêmes, tout comme les implications sur la santé.
De 2005 à 2015 les décès causés par une maladie cardio-vasculaire ont augmenté de 12,5 % au niveau mondial, mais jusqu’à présent on a prêté peu d’attention au rôle du plomb dans cette augmentation, et ce bien que les recherches aient montré que la toxicité du plomb se révèle à des niveaux très bas, la relation entre le plomb et la maladie augmentant avec une faible exposition.
Dans le futur, l’un des leviers importants de prévention serait de diminuer la concentration maximale admissible de plomb dans l’eau du robinet, ce qui aura un impact bénéfique sur la santé publique, comme l’a montré d’ailleurs le groupe de travail réuni par la Commission européenne en 2011.
En définitive, au-delà des mesures spécifiques visant les personnes atteintes de saturnisme, la protection de l’ensemble de la population repose sur des décisions prises à l’échelle du pays, parmi lesquelles l’interdiction du plomb dans l’essence, dans les peintures et dans les canalisations d’eau potable, sans oublier la réglementation concernant les constats de présence de plomb dans les logements lors d’une transaction immobilière.
AFVS Infos n°16 – juillet 2018 Telecherger