Vous trouverez ci-dessous le dernier exemplaire d’AFVS Info, dont voici l’éditorial.
Fin du XIXe siècle, de longues et laborieuses négociations ont abouti à la promulgation de la loi du 9 avril 1898 fixant, pour les accidents du travail, un régime juridique plus simple que pour les accidents ordinaires : si certaines conditions sont remplies concernant le lieu et le temps de travail, il devient inutile de prouver la responsabilité de l’employeur. En contrepartie, le patronat obtient la réduction de l’indemnisation forfaitaire.
C’est ce régime qui a été étendu aux maladies professionnelles par la loi du 25 octobre 1919 à laquelle étaient annexés les tout premiers tableaux de maladie professionnelle, c’est-à-dire une maladie qui est la conséquence directe de l’exposition d’un travailleur à un risque physique, chimique, biologique, ou qui résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité.
Alors que les débats faisaient prévaloir la logique de la prévention, cette loi prévoit la réparation. En effet, elle instaure en France le droit à la réparation forfaitaire des maladies professionnelles et étend l’indemnisation des accidents du travail établie par la loi de 1898 à de nouveaux maux affectant les travailleurs : en contrepartie de leur immuni-té civile, les employeurs acceptent l’automaticité d’une indemnisation forfaitaire des salariés lésés. Ceux-ci bénéficient d’une présomption d’imputabilité au travail des ma-ladies réglementaires définies comme professionnelles, leur épargnant la charge de la preuve. Un système de tableaux précise la liste des pathologies indemnisables et les conditions administratives à remplir pour avoir droit à la reconnaissance d’une maladie professionnelle.
Le saturnisme, conséquence directe de l’exposition à des particules de plomb ou de composés de plomb, qui constituent un risque physique, chimique et biologique, est la première affection reconnue maladie professionnelle en octobre 1919. C’est à ce titre qu’il figure dans le tableau n° 1 dont la dernière révision pour le régime général a été publiée au Journal officiel du 11 octobre 2008. Sur ce tableau figure, d’une part, une liste limitée de symptômes ou de lésions pathologiques que doit présenter le malade, notamment des taux de plombémie dont ≥ 800 μg/L pour l’anémie, ≥ 700 μg/L pour la neuropathie périphérique, ≥ 500 μg/L pour le syndrome douloureux abdominal ou pour le syndrome biologique et, d’autre part, le délai de prise en charge, c’est-à-dire le délai maximal entre la date à laquelle le travailleur a cessé d’être exposé au risque et la cons-tatation de l’affection.
Or, les effets sans seuil de cet élément classé CMR (cancérigène, mutagène et reprotoxique) qu’est le plomb est désormais reconnu. Par ailleurs, les symptômes tels que les risques cardiovasculaires, les perturbations de la spermatogenèse, les troubles de la grossesse (fausse couche, naissance prématurée, bébé de petit poids) ne figurent pas parmi les symptômes retenus.
Malgré une prise en compte formelle d’une sous-reconnaissance de l’origine professionnelle de nombreuses maladies chroniques, les principes fixés en France pour la reconnaissance des maladies professionnelles n’ont guère évolué en un siècle. 100 ans après une révision s’impose au vu des avancées scientifiques.
Alors que le tableau n° 1 fixe le délai maximal entre la date à laquelle le travailleur a cessé d’être exposé au risque et la constatation de l’affection à 10 ans (sous réserve d’une durée minimale d’exposition de dix ans) pour la néphropathie tubulaire, pour les autres symptômes ce délai variant entre 30 jours et un an, force est de constater que certains symptômes peuvent apparaître plusieurs dizaines d’années après l’exposition, comme un cancer lors du relargage du plomb (retour dans la circulation sanguine lors d’une fracture, d’une grossesse, de la ménopause ou d’une immobilisation prolongée).
C’est pour toutes ces raisons que l’AFVS demande que les définitions et les délais inscrits dans le tableau n° 1 soient réexaminés à la lumière tant des travaux scientifiques les plus récents que des travaux qui ont conduit à définir les limites figurant dans le Code du travail.