Le dernier numéro d’AFVS Infos, daté de septembre-octobre 2018, est paru. Ci-dessous, son éditorial :
Alors que l’intoxication au plomb est évitable, selon les estimations de l’Institute for Health metrics and evaluation (un centre de recherche sur la santé au niveau mondial de Université de Washington) de 2016, elle était responsable de 540 000 décès, les pays à revenu faible ou intermédiaire étant les plus touchés. Le rôle de l’exposition au plomb dans le développement de la déficience intellectuelle chez l’enfant est particulièrement préoccupant. Bien que ce problème soit largement reconnu et que de nombreux pays aient pris de mesures pour y remédier, l’exposition au plomb demeure une source de préoccupation majeure pour le personnel soignant et les responsables de la santé publique. Les peintures contenant un taux élevé de plomb sont une source importante d’intoxication à la maison, notamment chez les enfants. Elles sont très répandues, et de nombreux pays continuent de les utiliser.
Lors du sommet mondial pour le développement durable en 2002, les gouvernements ont appelé à l’élimination des peintures à base de plomb. L’Alliance mondiale pour l’élimination des peintures au plomb a été créée en 2011 dans le but de promouvoir un arrêt progressif de la fabrication et de la commercialisation de ce type de peintures afin d’éliminer les risques. Pour y parvenir, il est indispensable d’instituer un cadre réglementaire au niveau de chaque pays afin de mettre un terme à la fabrication, l’importation, l’exportation, la distribution, la vente et l’utilisation de peintures au plomb.
Dans son plan d’activités, l’Alliance mondiale fixe pour tous les pays une cible consistant à mettre en place, d’ici 2020, un tel cadre réglementaire. Selon une enquête réalisée par l’Organisation mondiale de la santé et le Programme des Nations unies pour l’environnement, au 30 juin 2018, seuls 69 pays avaient confirmé l’adoption de mesures juridiquement contraignantes visant à encadrer l’utilisation des peintures au plomb. Force est de constater que davantage d’efforts s’imposent dans ce domaine, et la semaine d’action internationale pour la prévention de l’intoxication au plomb qui s’est déroulée du 21 au 27 octobre 2018 a été l’occasion de mobiliser l’engagement politique et social pour progresser.
Dès que la peinture a été appliquée dans l’habitation, elle devient une source potentielle d’exposition au plomb, en particulier lorsqu’elle commence à vieillir et à s’écailler. En France, 74 % des cas concernant des enfants qui présentent une plombémie supérieure à 50 μg/L (seuil qui signe un cas de saturnisme chez cette population, maladie à déclaration obligatoire) restent liés à des logements de mauvaise qualité où il y a de la peinture au plomb.
Nous avons récemment reçu à l’AFVS une famille de province dont un enfant était gravement intoxi-qué au plomb. Cette famille habite un logement social construit bien après 1949, date officielle d’inter- diction à usage professionnel de la peinture au plomb, le 1er janvier 1949 étant la date de construction avant laquelle le constat de risque d’exposition au plomb (CREP) est obligatoire pour toute transaction immobilière.
Ce cas nous a conduit à vérifier l’interdiction de la peinture au plomb en France. Selon les composants, elle peut être interdite à l’utilisation ou à la vente : la céruse (blanc de plomb) est interdite à l’utilisation pour les professionnels depuis le 1er janvier 1949 et interdite de mise sur le marché depuis 1993. Enfin, le fait que le minium (tétraoxyde de plomb) soit présent dans le logement de la famille que nous avons reçue laisse penser que les peintures antirouille contenant ce produit ont continué long- temps d’être utilisées, avec ou sans autorisation… Et qu’elles sont peut-être encore fabriquées ? De fait, depuis 1990 la présence de plomb doit être mentionnée sur l’étiquette et ce produit rentre dans le cadre de la réglementation européenne sur le CMR (cancérigène, mutagène et reprotoxique).
Il est donc urgent de se mobiliser pour une interdiction totale de ce type de peinture, quels que soient ses composants. Il est nécessaire aussi que les CREP soient obligatoires pour toute transaction immobilière, y compris lorsque cela concerne un logement social.
Pour aller plus loin voir :
Télécharger ici AFVS Infos n°17