Vous trouverez ci-dessous le dernier exemplaire d’AFVS Info, dont voici l’éditorial.
Les retombées toxiques de l’incendie de la cathédrale Notre–Dame de Paris
Lundi 15 avril 2019 : c’est en début de soirée que se déclare l’incendie de Notre-Dame de Paris. Depuis plusieurs mois, dans le contexte d’un vaste projet d’ensemble pour l’île de la Cité, une partie de la cathédrale est en travaux de restauration, notamment pour nettoyer l’extérieur de la flèche, noircie par la pollution, et un ensemble de sculptures métalliques, oxydées. Le sinistre démarre à l’intérieur de la charpente, à la base de la flèche, constituée de 500 tonnes de bois et recouverte de 250 tonnes de plaques de plomb, et prend rapidement ampleur. Les flammes dé- truisent intégralement la flèche composée à elle seule de 150 tonnes de plomb, les toitures de la nef et du transept ainsi que la charpente. En s’effondrant, la flèche provoque l’écroulement de la voûte de la croisée du transept, d’une partie de celle du bras nord et de celle d’une travée de la nef. L’intervention de 600 pompiers permet de sauver la structure globale et d’épargner les deux tours ainsi que la façade occidentale.
Alors que l’incendie suscite une vive émotion tant en France que dans le reste du monde et qu’une importante couverture médiatique se met en place, les réactions fusent : Emmanuel Macron annonce vouloir reconstruire la cathédrale dans un délai de cinq ans, un Conseil des ministres est entièrement consacré aux suites de l’incendie et une réunion de lancement d’une souscription nationale pour la reconstruction de Notre-Dame est programmée. Pourtant, per- sonne ne s’interroge sur les risques sanitaires liés à cet incendie : les eaux d’extinction du feu polluées ont-elles regagné la Seine ? Les fumées qui se dégagent sont-elles composées d’un fort taux de particules de plomb ?
Une pollution minimisée et des discours plombés
150 tonnes de plomb, métal fondant à basse température (327 °C) et transformé en vapeur à haute température (1 749 °C) recouvraient la flèche, et 250 tonnes de plomb constituaient les 1 326 feuilles ou tuiles de plomb couvrant le reste de la charpente. Les panaches de fumée jaune visibles à des kilomètres observés à certains moments signent la formation de particules d’oxyde de plomb, composé se formant à partir de 510 °C en présence d’oxygène. Pour parer aux risques d’éboulement et de propagation des flammes, les habitations proches sont évacuées.
Selon les relevés d’Airparif (dont les capteurs sont positionnés dans le 18e arrondissement de Paris) du 16 avril, les conditions météorologiques ont canalisé le panache dans le couloir de la Seine sur la partie parisienne, ce qui a permis d’éviter une stagnation de la pollution. De plus, en raison de la température du foyer, « la fumée s’est élevée à plusieurs dizaines de mètres sans contaminer localement les basses couches de l’air », mais « l’incendie a provoqué le trajet d’une quantité très importante de particules ».
Comme des témoins présents au début de l’incendie décrivent un air irrespirable et une forte odeur de brûlé quand les flammes ont commencé à être visibles sur la toiture, Airparif n’exclut pas une pollution très localisée.
L’AFVS donne l’alerte sur les risques d’intoxication par le plomb
C’est dans ce cadre que, dès le 18 avril, l’AFVS publie un premier communiqué dans lequel elle alerte sur les risques liés au plomb : « L’incendie de Notre–Dame a provoqué le rejet d’une quantité très importante de particules, liées à la combustion de la charpente en bois et du plomb présent sur la toiture et dans la flèche ». Et de préciser : « L’AFVS tient à alerter sur les risques d’intoxication par le plomb qui peut pénétrer dans l’organisme par inhalation ou in– gestion (poussières, fumées) et avoir des conséquences particulièrement néfastes sur la santé ».
L’AFVS tient à faire savoir qu’elle restera attentive aux résultats des analyses de l’air ambiant parisien et à la recherche de plomb faites par Airparif et précise qu’elle attend des pouvoirs pu- blics qu’ils appliquent toutes les mesures nécessaires à la protection des populations. En effet, dans les jours qui suivent, le Centre antipoison de Paris découvrira des taux de plomb supérieurs au seuil réglementaire chez des personnes ayant intervenu dans la zone circonscrite au lende- main de l’incendie : « Une importante plombémie pour les pompiers, ceux qui travaillent dans le quartier, ceux qui ont déménagé les œuvres d’art ».
Le 19 avril, l’association Robin des Bois publie un communiqué, « Notre–Dame : un nouveau site pollué à Paris », dans lequel, dans le sillage du communiqué de l’AFVS publié la veille, elle dénonce la pollution du site engendrée par la fusion « d’au moins 300 tonnes de plomb dans la garniture de la toiture ». Et d’asséner : « La cathédrale est aujourd’hui rendue à l’état de déchet toxique », mais pas seulement, car « le risque plomb était jusqu’alors reconnu et signalé dans les arrondissements du nord de Paris. A partir de la source Notre–Dame incendiée, il pèse désormais sur l’île de la Cité et sur les sédiments de la Seine ».