Vous trouverez ci-dessous le dernier exemplaire d’AFVS Info, dont voici l’éditorial.
C’est dès le lendemain de l’incendie de Notre-Dame de Paris survenu le 15 avril dernier que l’AFVS donne l’alerte sur les risques d’intoxication par le plomb touchant le chantier de la cathédrale, mais également les établissements scolaires, les jardins et les crèches, pour ne parler que des endroits fréquentés par des enfants… (1).
En ce qui concerne le chantier de Notre-Dame lui-même, malgré plusieurs rapports de l’Inspection du travail alertant depuis le mois de mai sur les défaillances des installations de décontamination et les risques encourus par les salariés, le ministère de la Culture, chargé du chantier, n’a pas jugé bon d’intervenir. La raison serait-elle, au détriment de la santé des travailleurs et des riverains, de ne pas retarder le chantier pour atteindre l’objectif prôné par le président de la République de finir en cinq ans la reconstruction de la cathédrale ?
C’est en tout cas contre l’avis du ministère que le préfet de région a décidé le 25 juillet d’interrompre les travaux pour contraindre la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) à remettre aux normes les installations afin « de protéger tous les corps de métiers intervenant sur le chantier de Notre-Dame de Paris et continuer de garantir que ces travaux ne génèrent pas de pollution à l’extérieur de celui-ci ». Décision qui met fin à la prévalence des intérêts économiques et politiques sur la santé publique. Enfin, car c’est pendant près de trois mois que le ministère de la Culture, maître d’ouvrage sur le chantier, a enfreint les dispositions du Code du travail et mis en danger les travailleurs, et ce malgré les différents rapports de l’Inspection du travail, qui concluait dans l’un d’eux que « les travailleurs […] sont exposés à un agent chimique dangereux, cancérigène, mutagène, toxique pour la reproduction, en l’espèce des poussières contenant du plomb ».
Le 1er août, un collectif formé par l’AFVS, l’association Henri Pézerat et des syndicats réclame le confinement total de Notre-Dame ainsi que la création d’un centre de dépistage et de suivi sanitaire des personnes exposées au plomb. Ce qui n’a pas été retenu… Mais l’opération de décontamination du parvis de Notre-Dame, des écoles et des jardins autour de la cathédrale démarre. L’ARS avait recommandé des prélèvements pour tous les établissements accueillant des enfants dans un rayon de 300 mètres autour des points de mesure extérieure où les taux de plomb dans les poussières dépassent 5 000 μg/m2, « repère d’aide à la décision » fixé arbitrairement par l’ARS faute d’un seuil pertinent de contamination pour les sols extérieurs.
Si certains comptes-rendus d’analyse de poussières évoquent un seuil de 1000 μg/m2, il s’agit d’un seuil inadapté puisqu’il ne s’applique que pour le contrôle des travaux en présence de plomb dans les logements (article L.1334-2 du Code de la santé publique).
Le 19 août le chantier a progressivement repris, et fin septembre nous apprenons que le ministère de la Culture a enterré le plan de décontamination, au risque d’une grave crise sanitaire. Définitivement ?
Sur le plan revendicatif et médiatique, l’AFVS demande, compte tenu des risques, que la toiture de la cathédrale ne soit pas refaite à l’identique et pose clairement et à voix haute la question de la fin de l’utilisation du plomb dans les monuments historiques.
En tout état de cause, faisons de sorte que, comme le dit le dicton « un mal pour un bien », les conséquences de l’incendie de Notre-Dame en termes de pollution au plomb dans Paris soient l’occasion de faire un bilan global de l’exposition de la population à ce métal toxique. Pour pouvoir mieux combattre cette pollution. C’est ce que semble mettre en place la Ville de Paris.
___________________
(1) Voir AFVS–Info, n° 20, avril-juin 2019, numéro spécial Notre-Dame.