Une étude scientifique américaine, publiée dans la prestigieuse revue The Lancet Public Health vient de réévaluer à la hausse, et de façon spectaculaire, les effets de l’exposition au plomb sur la santé. Cet élément chimique, très présent dans notre environnement, peut être ingéré ou respiré. Il serait responsable d’une part plus importante que prévu de la mortalité aux États-Unis, notamment pour cause de maladies du cœur et des artères. Le chiffre avancé par les chercheurs est de 412 000 morts chaque année.
L’étude parue le 12 mars est fondée sur un suivi, de 1988 à 2011, de plus de 14 000 personnes constituant un échantillon représentatif de la population adulte américaine. L’exposition au plomb a été évaluée par leur plombémie.
Cette étude est méthodologiquement solide, du fait de la qualité des données collectées par les chercheurs et de la rigueur de leur exploitation. Elle comporte cependant certaines limites. Il existe en particulier la possibilité qu’un facteur non repéré soit la véritable cause des décès observés – une confusion ne pouvant être exclue formellement dans aucune étude épidémiologique. Les auteurs soulignent cependant que plus la plombémie augmente, plus la mortalité augmente, une constatation qui n’est pas en faveur d’une telle confusion.
En plus de la robustesse de l’étude, il existe des arguments à l’appui d’une relation de cause à effet, fondés sur des mécanismes plausibles de toxicité du plomb pour l’organisme. À titre d’exemple, on sait que le plomb favorise l’hypertension.
Ces différents éléments ont permis aux auteurs de livrer leurs conclusions sous la forme de proportion des décès attribuables à l’exposition au plomb. Elle est de 18 % pour la mortalité totale, soit 412 000 décès par an aux États-Unis. L’exposition au plomb serait en cause dans 29 % des cas de décès par maladies cardio-vasculaires, soit 256 000 décès par an.
Si ces chiffres sont impressionnants, ils ne sont qu’une demi-surprise pour les spécialistes. En effet, au fil des années, les chercheurs se sont intéressés aux doses de plomb de plus en plus faibles. Et ont mis en évidence des implications pour la santé d’une partie de plus en plus importante de la population.
Avant l’étude du Lancet Public Health, le seuil de toxicité connu pour ses effets cardio-vasculaires était relativement élevé (50µg/L ou microgramme par litre). Cette étude a mis en évidence les mêmes effets avec une plombémie plus faible (10µg/L). À noter que la toxicité de plus faibles plombémies était déjà établie pour le développement du cerveau et du système nerveux central de l’enfant.
Avec ce seuil abaissé, on inclut dans le calcul du risque attribuable au plomb une plus grande part de la population, au point que cette part représente désormais la majorité de la population.
L’étude américaine a impliqué des sujets âgés de 20 ans et plus, de 1988 à 1994 et suivis jusqu’en 2011. Il s’agit donc de personnes qui ont ou auraient eu cinquante ans et plus aujourd’hui. Leurs plombémies étaient plus importantes que celles constatées dans les générations suivantes car dans leur enfance, ces personnes ont respiré un air beaucoup plus concentré en plomb. En effet, les carburants automobiles en contenaient encore aux États-Unis jusqu’en 1975, année de leur interdiction. En France, la teneur autorisée en plomb dans l’essence a diminué à partir des années 1990. Puis ce métal lourd a été interdit en 2000. Pour autant, les plombémies observées chez les personnes nées après cette interdiction ne sont pas tombées à zéro, en raison des autres sources d’exposition, et le risque pour la santé n’a donc pas disparu.
1. Cet article a été rédigé à l’aide des informations et des analyses fournies pas le site The Conversation, qui est un média en ligne d’information et d’analyse de l’actualité indépendant, qui publie des articles grand public écrits par les chercheurs et les universitaires.