Paris, juin 2016. C’est un appartement situé en pleine ville. Monsieur et Madame y vivent avec leurs trois enfants. Y vivent, c’est beaucoup dire, car il s’agit en fait de survie.
L’immeuble est plombé, comme beaucoup d’immeubles anciens de la région parisienne. Les parties communes sont dans un état lamentable, avec des escaliers délabrés, des peintures dans un état pitoyable, de la saleté.
L’immeuble n’a aucun gardien, évidemment. Sa porte d’accès est fermée à clef, sans digicode, sans interphone. Le facteur ne peut y pénétrer. Alors il laisse le courrier à la boutique du propriétaire. Et celui-ci le distribue « selon son humeur » nous dit Madame. Il se passe parfois plusieurs semaines sans que la famille ne voie le moindre pli.
Ne parlons pas des visites, rendues plus difficiles dès lors que le visiteur n’a pas accès la porte de l’appartement. Le téléphone portable doit fonctionner, on ne doit pas être en bout de forfait, on ne doit pas se trouver dans la petite zone où la ligne ne passe pas : sinon le releveur de compteur vous fera payer le déplacement pour une nouvelle visite…
La petite famille dispose de 30 mètres carrés, pour lesquels elle paye plus de 600 euros par mois. On ne trouve pas de plomb accessible dans l’appartement lui-même car Monsieur le repeint, le retape tous les ans du mieux qu’il peut. Mais le logement est très humide. Les murs suintent. Le linge, pourtant conservé à l’abri, prend rapidement une couleur verdâtre.
Non seulement humide, l’appartement est de plus très sombre, notamment la « chambre » où dorment deux des enfants : il s’agit d’un petit couloir aveugle que la famille a obtenu du propriétaire (moyennant augmentation du loyer) qui a été transformé en lieu de sommeil et en petit espace de rangement.
« Mais le pire, dit Madame, ce sont les rats ! » Son aîné développe une phobie des rats depuis que l’un d’eux lui a sauté dessus dans l’escalier de l’immeuble – heureusement sans dommage physique –. Il refuse désormais de descendre seul les escaliers. « Les rats, c’est certainement à cause de l’épicerie du bas, où sont entreposés des tas de pistaches ou de cacahouètes » dit Madame. La nuit, on les entend gratter près de la porte. « On a pu boucher les trous dans l’appartement, ils ne viennent pas chez nous. Mais on a peur qu’ils creusent de nouveaux trous… »
De l’humidité, des rats. C’est à Paris au beau milieu de 2016.