La Commission Européenne avait autorisé une société canadienne, Dominion Colour Corporation DCC, à vendre en Europe des pigments pour peinture contenant des produits chimiques pourtant connus comme hautement dangereux. Il s’agissait de jaune, Pigment Yellow 34, et de rouge, Pigment Red 104. Ces pigments sont à base de chromate de plomb, ou de chromate-molybdate-sulfate de plomb, contenant donc du plomb, neurotoxique, et du chrome VI, cancérigène bien connu. Les enfants sont particulièrment sensibles à l’exposition au plomb, les effets sur la santé sont en général irréversibles, et ont un impact tout au long de la vie. Les chromates de plomb sont aussi extrêmement toxiques pour la vie aquatique.
Avant que ces produits ne soient soumis à autorisation, huit entreprises avaient déclaré les diffuser. En février 2012, ils ont été ajoutés à la liste des produits hautement préoccupants, et ils étaient dorénavant soumis à autorisation. DCC a été la seule société à demander une autorisation de mise sur le marché de l’Union Européenne de ces pigments. Elle présentait la demande pour les peintures de signalisation routière et pour un certain nombre d’autres applications, telles que les conteneurs pour déchets pharmaceutiques, des machines agricoles, des grues, des ponts en acier… Annoncées comme non destinées à l’utilisation par des consommateurs, laissait entendre qu’elles devaient être mises en oeuvre dans un cadre professionnel.
Le Tribunal, juge européen de première instance, a annulé l’autorisation donnée par la Commission. Il rappelle que l’entreprise qui demande une autorisation de mise sur le marché européen d’un produit en principe interdit, et donc soumis à autorisation, doit prouver qu’il n’existe pas de solution de remplacement plus sûre. Il souligne aussi que la Commission n’avait pas été au bout des investigations qui lui incombaient quant à la recherche d’une telle solution de remplacement. Le Tribunal avait été saisi par la Suède, qui avait mis en avant qu’elle avait proscrit les pigments en cause depuis 30 ans, ce qui démontrait qu’on pouvait s’en passer. La démarche suédoise avait été soutenue aussi par la Finlande, le Danemark et le Parlement Européen, et des entreprises avaient également fourni des informations sur les procédés de remplacement qu’elles utilisaient, alors que la Commission semble bien s’être contentée des informations et affirmations fournies par DCC.
La Commission avait demandé un délai pour réexaminer la demande de DCC, ce qui lui a été refusé. L’annulation de l’autorisation a donc été déclarée à effet immédiat.
Différentes organisations de protection de l’environnement (ClientEarth, Le BureauEuropéen de l’Environnement EEB, le Secrétariat International de la Chimie Chemsec, et le Réseau International pour l’Elimination des Polluants Organiques Persistant IPEN) ont salué cette décision du Tribunal Européen rendue le 7 mars 2019, véritable gifle infligée à la Commission, pour son autorisation non seulement laxiste, en permettant à DCC de donner plus tard les preuves du caractère non substituable de ses pigments, mais carrément illégale.