Les pouvoirs publics n’ont pas publié, jusqu’à présent, de cartographie des repérages de pollution notamment en plomb de l’air, de l’eau et des sols, dans et autour de la cathédrale, et dans les zones où ces particules se sont déposées (large périmètre au moins au niveau et à l’ouest de Notre-Dame), à l’extérieur et à l’intérieur des bâtiments. Le communiqué de presse du 9 mai de l’Agence Régionale de Santé fait seulement état de « prélèvements réalisés aux alentours (qui) démontrent la présence de dépôts de poussières résiduelles de plomb …sur le parvis de la cathédrale, et sur la voirie avoisinante, avec une présence ponctuelle très importante de plomb dans les sols, à des niveaux environ 10 à 20 g/kg de sol », soit 30 à 70 fois plus que les normes ci-dessous du Haut conseil de santé publique (HCSP), et « dans les étages supérieurs de locaux administratifs donnant sur la cathédrale (poussières) ».
Les pouvoirs publics n’ont pas non plus organisé de réseau pour une information complète, précise et adaptée sur les risques sanitaires et les mesures de protection. Nous ne disposons donc en l’état actuel que de mesures individuelles.
Face à ce manque et vu l’urgence à réagir et se protéger dans ce contexte de risque d’intoxication par les particules de plomb largement diffusées lors de l’incendie de Notre-Dame, voici donc quelques informations sur le saturnisme et sur les mesures de protection individuelles:
Intoxication par le plomb
Les particules de plomb sont invisibles à l’oeil nu, inodores, sans goût particulier, n’irritent pas les les yeux ni les voies respiratoires, en particulier, elles ne provoquent pas de crise d’asthme.
Elles pénètrent par les voies cutanées, et surtout respiratoires et digestives.
Elles gagnent les tissus mous (cerveau, rate, foie, reins…) et le sang où elles séjournent pendant environ huit semaines. Le plomb est alors repérable grâce à un dosage sanguin (plombémie), réalisé sur prescription médicale, remboursable par l’assurance maladie. Depuis juin 2015, l’état a fixé un niveau d’intervention rapide à 50 microgrammes de plomb par litre de sang (50µg/L) et un niveau de vigilance à 25 µg/L, pour les moins de 18 ans et les femmes enceintes. Ce niveau devrait être zéro puisque le plomb ne se trouve pas naturellement dans le corps où ses actions sans effet de seuil ne sont que toxiques.
Passé ce délai d’environ huit semaines, le plomb sera stocké dans les os pendant des dizaines d’années (jusqu’à trente ans). Il sera relargué (reviendra dans la circulation générale) à l’occasion notamment d’une grossesse (avec risque de contamination de la génération suivante), d’ostéoporose, d’immobilisation prolongée. Le dosage osseux n’est pas sans risque et il est très peu pratiqué.
L’intoxication par le plomb (saturnisme) est une maladie à déclaration obligatoire. Un protocole est à la disposition de tous les médecins.
Aucun signe particulier n’est alors repérable, tout au plus : fatigue, anémie, agitation ou apathie, douleurs abdominales.
Le plomb est dangereux pour tous, mais les risques sont majeurs pour les femmes enceintes (fausse-couche, naissance prématurée, bébé de petit poids et déjà intoxiqué, le plomb traversant la barrière placentaire) et les jeunes enfants qui ont un comportement main-bouche et sont en plein développement : effets délétères sur le système nerveux central (impact sur les capacités intellectuelles, le comportement, etc), sur les organes de reproduction (risque de retard de la puberté, d’hypofertilité, altération de la production de spermatozoïdes…), ainsi que sur les reins, le sang, la tension artérielle, l’audition.
Nous pouvons tous être soumis à plusieurs sources d’intoxication (peintures anciennes, céruse, minium, alimentation en eau sous tuyau de plomb…) qui s’additionnent : le plomb est cumulatif.
Il n’existe pas de traitement probant, la prévention a donc un rôle majeur.
Conseils dans la situation actuelle
Faute de dosage de l’air autour de Notre-Dame et sous le panache de fumée lors de l’incendie, faute de cartographie de l’imprégnation actuelle à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments, de l’air, des sols et de l’eau et en l’absence de mise à disposition de centres de dépistage dédiés, c’est à chacun de juger s’il est ou s’est trouvé dans un environnement à risque et de consulter un médecin ou un service hospitalier pour faire pratiquer une plombémie dans les plus brefs délais en particulier pour les mineurs et les femmes enceintes ou en âge de procréer.
En attendant les mesures publiques efficaces de nettoyage par des professionnels correctement équipés (cf aspirateur à filtre absolu) :
Eviter autant que faire se peut de fréquenter les lieux susceptibles d’être contaminés au plomb, surtout les jardins et les pièces avec moquette et revêtements textiles, en éloigner les jeunes et les femmes enceintes.
Laver fréquemment les mains, le visage et les cheveux, couper les ongles courts.
Laver régulièrement les vêtements, chaussures, doudous, jouets et poussettes.
Dans les logements, parties communes, bureaux et boutiques : laver tout ce qui peut l’être, bannir l’aspirateur et le balai, essuyer les meubles, rebords de fenêtre et sols avec des linges humides, mais ne pas laver à grandes eaux, couvrir les livres et objets non lavables avec des toiles.